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Ernesto Sabato, la conscience douloureuse de l’Argentine

L’écrivain argentin Ernesto Sabato est mort, samedi 30 avril, dans la localité de Santos Lugares (province de Buenos Aires), alors qu’il allait avoir bientôt 100 ans.

Il est l’auteur d’un chef d’œuvre absolu, Sobre héroes y tumbas (1961). Ce roman immense et lumineux est un mélange détonnant de romantisme gothique et de lyrisme moderne, traversé par un souffle fantastique.

Roman total, il métamorphose les rues, les souterrains et l’architecture de Buenos Aires et propose une interprétation décapante de l’Argentine, de son passé turbulent et de son présent anxieux. Le long passage intitulé Rapport sur les aveugles est un des textes les plus lus et commentés des lettres d’Amérique latine.

Abbadon el exterminador (1974) se présente comme une suite et met en scène l’auteur lui-même, pathétique dans ses interrogations et ses contradictions.

Ernesto Sabato était un scientifique ébranlé par l’impasse du positivisme et par les horreurs commises au nom de la raison. Le surréalisme et l’existentialisme l’ont aidé à embrasser la littérature. Le tunnel, son premier roman, date de 1948.

Il était né à Rojas, province de Buenos Aires, le 24 juin 1911. Jeune communiste, il s’était éloigné du stalinisme à la faveur d’un premier voyage en Europe, en 1935. Il reviendra en France après la guerre.

En Argentine, il s’était toujours méfié du péronisme, tout en condamnant ceux qui avaient renversé le général Juan Domingo Peron (1945-1955). Les péronistes lui ont voué une hargne tenace, que les partisans des Kirchner ont prolongée.

Ernesto Sabato avait présidé la Commission nationale sur les disparitions de personnes (Conadep), qui a mené l’enquête sur les crimes commis par la dernière dictature militaire (1976-1983). Dans la préface du rapport Nunca Mas (Jamais plus), il avait rappelé la multiplication des attentats et meurtres commis par les guérillas d’extrême gauche et par les groupes parapoliciers d’extrême droite, sous les gouvernements de Juan Peron et d’Isabel Peron (1973-1976).

Sabato était un écrivain exigeant, sans doute trop, mais nous ne lirons jamais les pages qu’il a détruites pour en avoir le cœur net. Il était une personnalité difficile, au pessimisme inscrit souvent sur le visage. Il incarnait, à la fois dans son œuvre et dans sa démarche de citoyen, la conscience malheureuse des Argentins.

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